Le livre a toujours été, au cours des siècles, le principal véhicule de la pensée érotique, dans ses aspects littéraires, culturels et ethniques. Dans l’Europe chrétienne le corps reste tabou. Aux rigueurs de la religion s’oppose l’esprit de résistance de la culture populaire. Avec la Renaissance, une liberté sans limites souffle sur les esprits. De Rabelais à Montaigne en passant par Joachim Du Bellay, le désir devient le moteur du monde. Le nu cesse d’être tabou. Assujetti à l’ascétisme de la Réforme et la Contre-Réforme, l’âge classique réprime avec vigueur la vitalité grivoise et érotique de la Renaissance. L’érotisme des Lumières est lié à une forme littéraire en plein essor: le roman libertin. “Manon Lescaut” de l’abbé Prévost est le premier exemplaire d’un genre qui va connaître ses lettres de noblesse avec “Les liaisons dangereuses” de Laclos. La formulation la plus radicale du roman libertin est l’œuvre de Sade. Lors de la Révolution, un désir effréné secoue les sans-culottes, dans l’ivresse des jouissances du partage public du pouvoir, puis l’œil sévère de l’Être suprême, n’apprécie guère les délices inclassables d’un érotisme en proie aux tourments de la chair. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’Occident découvre l’Extrême Orient, le tantrisme, le rituel des geishas et les estampes japonaises, mais il entrevoit surtout les vertigineuses possibilités qu’offre la photographie. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, les maisons closes deviennent de véritables temples où l’on peut s’adonner à tous les fantasmes. L’œuvre de Guillaume Apollinaire, “Onze mille verges”, domine la scène de l’érotisme littéraire. Le défi contre les valeurs s’intensifie avec le maniérisme érotique de Huysmans, les récits saphiques de Pierre Louÿs, et l’exotisme oriental d’Octave Mirbeau. L’essai prend aussi en considération les articles de nombreux dictionnaires érotiques dévoilant une ironie mordante et savante lorsqu’il s’agit de commenter les noms que la tradition populaire attribue aux organes génitaux de l’homme et de la femme.
L’érotisme dans les signes de l’écriture. Des grottes de Lascaux aux dictionnaires contemporains des mots du sexe
PROIA, Francesco
2013-01-01
Abstract
Le livre a toujours été, au cours des siècles, le principal véhicule de la pensée érotique, dans ses aspects littéraires, culturels et ethniques. Dans l’Europe chrétienne le corps reste tabou. Aux rigueurs de la religion s’oppose l’esprit de résistance de la culture populaire. Avec la Renaissance, une liberté sans limites souffle sur les esprits. De Rabelais à Montaigne en passant par Joachim Du Bellay, le désir devient le moteur du monde. Le nu cesse d’être tabou. Assujetti à l’ascétisme de la Réforme et la Contre-Réforme, l’âge classique réprime avec vigueur la vitalité grivoise et érotique de la Renaissance. L’érotisme des Lumières est lié à une forme littéraire en plein essor: le roman libertin. “Manon Lescaut” de l’abbé Prévost est le premier exemplaire d’un genre qui va connaître ses lettres de noblesse avec “Les liaisons dangereuses” de Laclos. La formulation la plus radicale du roman libertin est l’œuvre de Sade. Lors de la Révolution, un désir effréné secoue les sans-culottes, dans l’ivresse des jouissances du partage public du pouvoir, puis l’œil sévère de l’Être suprême, n’apprécie guère les délices inclassables d’un érotisme en proie aux tourments de la chair. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’Occident découvre l’Extrême Orient, le tantrisme, le rituel des geishas et les estampes japonaises, mais il entrevoit surtout les vertigineuses possibilités qu’offre la photographie. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, les maisons closes deviennent de véritables temples où l’on peut s’adonner à tous les fantasmes. L’œuvre de Guillaume Apollinaire, “Onze mille verges”, domine la scène de l’érotisme littéraire. Le défi contre les valeurs s’intensifie avec le maniérisme érotique de Huysmans, les récits saphiques de Pierre Louÿs, et l’exotisme oriental d’Octave Mirbeau. L’essai prend aussi en considération les articles de nombreux dictionnaires érotiques dévoilant une ironie mordante et savante lorsqu’il s’agit de commenter les noms que la tradition populaire attribue aux organes génitaux de l’homme et de la femme.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.