Il est certain qu’au cours de ces dernières années tant la théorie lexicographique que la description et la production de dictionnaires ont connu une évolution considérable, parallèlement au retour d’une certaine primauté du lexique dans la réflexion linguistique. Dans un dictionnaire bilingue se confrontent deux systèmes linguistiques et deux manières différentes de voir le monde; opération particulièrement délicate pour ce qui concerne des termes culturels qui n’ont pas d’équivalents dans une autre langue. Un dictionnaire des noms propres, et surtout un dictionnaire des noms propres et malpropres, peut refléter la culture d’un pays mais aussi, dans notre cas, il propage aux quatre vents l’esprit acéré de son auteur. L’admirable du dictionnaire de Narcisse Praz est l’audace de sa conception. L’auteur envisage son dictionnaire comme un texte véhiculant, avec son corollaire d’exemples, sa propre conception du monde. Un dictionnaire qui n’est pas le fruit d’un travail d’équipe mais l’ouvrage d’un artisan, à la fois sensible et excentrique, voué à faire passer une œuvre dramatique d’un langage dans un autre, un artisan qui sans cesse cherche un arrangement meilleur pour ses pensées. Attiré par une sobriété à la fois ludique et incisive, Praz écarte, dans les articles de ce dictionnaire bien singulier, les longueurs, le clinquant – pour mieux l’emphatiser ensuite –, et préfère les phrases faisant mouche par le plus court chemin possible. Fin connaisseur de la langue française, l’écrivain suisse a pris un malin plaisir à tirer profit de la polysémie du terme "propre". L’adjectif "propre" en français a un double sens: nom propre, ou nom de famille, mais aussi l’acception d’immaculé, d’honnête, d’être digne de considération. Au contraire, le terme "malpropre" a une connotation univoque: sale, sordide. Nom "malpropre" acquiert ainsi toute la tournure de nom indécent, qui ne mérite que le mépris. Le dictionnaire de Praz, publié aux Éditions Slatkine en 2009, est une vivante et utile biographie de personnages mythiques et non, "propres" et "malpropres", qui ont manifesté toute la vigueur de leur habilité créative et celle leurs désirs pernicieux et de leurs barbaries savantes dans le domaine politique, religieux, scientifique et artistique.

Noms "propres" et… "malpropres", le dictionnaire satirique de Narcisse Praz

PROIA, Francesco
2011-01-01

Abstract

Il est certain qu’au cours de ces dernières années tant la théorie lexicographique que la description et la production de dictionnaires ont connu une évolution considérable, parallèlement au retour d’une certaine primauté du lexique dans la réflexion linguistique. Dans un dictionnaire bilingue se confrontent deux systèmes linguistiques et deux manières différentes de voir le monde; opération particulièrement délicate pour ce qui concerne des termes culturels qui n’ont pas d’équivalents dans une autre langue. Un dictionnaire des noms propres, et surtout un dictionnaire des noms propres et malpropres, peut refléter la culture d’un pays mais aussi, dans notre cas, il propage aux quatre vents l’esprit acéré de son auteur. L’admirable du dictionnaire de Narcisse Praz est l’audace de sa conception. L’auteur envisage son dictionnaire comme un texte véhiculant, avec son corollaire d’exemples, sa propre conception du monde. Un dictionnaire qui n’est pas le fruit d’un travail d’équipe mais l’ouvrage d’un artisan, à la fois sensible et excentrique, voué à faire passer une œuvre dramatique d’un langage dans un autre, un artisan qui sans cesse cherche un arrangement meilleur pour ses pensées. Attiré par une sobriété à la fois ludique et incisive, Praz écarte, dans les articles de ce dictionnaire bien singulier, les longueurs, le clinquant – pour mieux l’emphatiser ensuite –, et préfère les phrases faisant mouche par le plus court chemin possible. Fin connaisseur de la langue française, l’écrivain suisse a pris un malin plaisir à tirer profit de la polysémie du terme "propre". L’adjectif "propre" en français a un double sens: nom propre, ou nom de famille, mais aussi l’acception d’immaculé, d’honnête, d’être digne de considération. Au contraire, le terme "malpropre" a une connotation univoque: sale, sordide. Nom "malpropre" acquiert ainsi toute la tournure de nom indécent, qui ne mérite que le mépris. Le dictionnaire de Praz, publié aux Éditions Slatkine en 2009, est une vivante et utile biographie de personnages mythiques et non, "propres" et "malpropres", qui ont manifesté toute la vigueur de leur habilité créative et celle leurs désirs pernicieux et de leurs barbaries savantes dans le domaine politique, religieux, scientifique et artistique.
2011
Biblioteca della Ricerca - Linguistica
9788882299170
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