Les Goncourt expriment leur vision politique tout au long de leur Journal et l’égrènent au fil de leur production aussi bien fictionnelle qu’historique; ils ébauchent même des projets d’ouvrages politiques qui ne verront jamais le jour, mais qui révèlent un intérêt poussé pour la société de leur époque. Leur indépendance économique, qui leur permet de se consacrer au sacerdoce littéraire, est d’ailleurs la garantie de leur liberté de pensée qui s’exerce à travers leur rôle d’observateurs de la société. Renfermé dans des notations sténographiques, des réflexions allusives et indirectes, leur positionnement idéologique est souvent énoncé de façon prismatique. Excentrés par rapport à l’idéologie dominante, prédisposés à la polémique, les Goncourt n’ont de cesse de dénoncer la ploutocratie du XIXe siècle et le libéralisme qui l’a rendue possible. Admirateurs du XVIIIe siècle, ils déplorent les résultats de la Révolution Française et se situent dans la lignée de Chateaubriand ou de Balzac, c’est-à-dire des conservateurs légitimistes et des réactionnaires favorables au pré-libéralisme et partisans de l’anti-modernité. Les révolutions dont ils sont témoins alimentent leur haine de la démocratie et de toute forme de subversion populaire. La critique de l’embourgeoisement généralisé et d’une évolution républicaine du libéralisme où le bourgeois parvenu et le libéral converti finissent par s’identifier devient radicale avec l’avènement de Napoléon III. Comme la plupart des auteurs qu’ils fréquentent, les Goncourt rêvent d’un aristocratisme de l’intelligence et du gouvernement d’une élite éclairée. Ils se défient ainsi de la souveraineté populaire et du suffrage universel, soupçonnent la blague et l’instruction publique d’être à l’origine des dérives de la société du XIXe siècle. Le progrès est ainsi refusé pour avoir produit la société de l’argent. Tenants du libéralisme classique à ses débuts, ils repoussent l’économie de marché et de la libre concurrence, le capitalisme libéral, l’empire des banques et de la Bourse, le crédit et la spéculation, auxquels ils imputent la déchéance morale de la société.

Les Goncourt et l'idéologie liberale ou Les idées révolutionnaires de deux conservateurs

D'ASCENZO, Federica
2015-01-01

Abstract

Les Goncourt expriment leur vision politique tout au long de leur Journal et l’égrènent au fil de leur production aussi bien fictionnelle qu’historique; ils ébauchent même des projets d’ouvrages politiques qui ne verront jamais le jour, mais qui révèlent un intérêt poussé pour la société de leur époque. Leur indépendance économique, qui leur permet de se consacrer au sacerdoce littéraire, est d’ailleurs la garantie de leur liberté de pensée qui s’exerce à travers leur rôle d’observateurs de la société. Renfermé dans des notations sténographiques, des réflexions allusives et indirectes, leur positionnement idéologique est souvent énoncé de façon prismatique. Excentrés par rapport à l’idéologie dominante, prédisposés à la polémique, les Goncourt n’ont de cesse de dénoncer la ploutocratie du XIXe siècle et le libéralisme qui l’a rendue possible. Admirateurs du XVIIIe siècle, ils déplorent les résultats de la Révolution Française et se situent dans la lignée de Chateaubriand ou de Balzac, c’est-à-dire des conservateurs légitimistes et des réactionnaires favorables au pré-libéralisme et partisans de l’anti-modernité. Les révolutions dont ils sont témoins alimentent leur haine de la démocratie et de toute forme de subversion populaire. La critique de l’embourgeoisement généralisé et d’une évolution républicaine du libéralisme où le bourgeois parvenu et le libéral converti finissent par s’identifier devient radicale avec l’avènement de Napoléon III. Comme la plupart des auteurs qu’ils fréquentent, les Goncourt rêvent d’un aristocratisme de l’intelligence et du gouvernement d’une élite éclairée. Ils se défient ainsi de la souveraineté populaire et du suffrage universel, soupçonnent la blague et l’instruction publique d’être à l’origine des dérives de la société du XIXe siècle. Le progrès est ainsi refusé pour avoir produit la société de l’argent. Tenants du libéralisme classique à ses débuts, ils repoussent l’économie de marché et de la libre concurrence, le capitalisme libéral, l’empire des banques et de la Bourse, le crédit et la spéculation, auxquels ils imputent la déchéance morale de la société.
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