Pour Jacqueline Risset, traductrice, intellectuelle d’avant-garde, critique littéraire, professeur de littérature française et ambassadrice de la culture française en Italie, la critique, la création, la traduction et l’autotraduction représentent les différentes manifestations de l’acte littéraire, insérées dans un réseau ou système au sein duquel chaque activité vit en fonction des trois autres. La traduction y est conçue comme une activité à mi-chemin entre création et théorie permettant, au même titre et peut-être même mieux que la critique, de démonter les mécanismes qui gouvernent la dynamique du texte source pour ensuite les recréer dans le texte cible et en faire jouir le lecteur. Considérant au départ la poésie comme intraduisible et refusant les solutions de l’analogie mélodique et la paraphrase préparatoire, Jacqueline Risset a élaboré au fil du temps une conception de la traduction poétique en tant que recodification, tentative de reconstruction de ce «lien musaïque» entre le son et le sens qui fonde tout texte poétique. La traduction se donne cependant moins comme un medium dans le processus de communication entre l’auteur et le lecteur, que comme un moyen pour interroger le mystère de la genèse du texte. Aussi les problèmes de réussite, d’échec, de fidélité ou de trahison sont-ils d’emblée dépassés dans une démarche qui considère aussi bien le texte source que le texte cible comme deux entités autonomes mais spéculaires, soumises à un processus d’écriture et, partant, de réécriture reposant sur une conception éminemment intertextuelle de la création littéraire. Le traducteur est ainsi investi d’une auctorialité qui met en jeu ses qualités de critique mais aussi d’écrivain ayant lui-même expérimenté la complexité de l’acte créatif. À partir de l’analyse de la réflexion théorique de Jacqueline Risset sur la traduction et de son expérience de traductrice et d’autotraductrice, sans toutefois négliger son activité critique et créative, l’article met au jour la singularité de l’ethos rissetien qui, suivant une démarche propre au XXe siècle, attribue la primauté au langage et donc au texte. Il montre également comment cette vision se dessine au-delà des théories traductologiques, apprécie le rôle que Jacqueline Risset entretient avec la pensée contemporaine et vérifie comment l’expérience de la création et de celle de la traduction finissent par s’influencer réciproquement ; il en dérive un portrait du traducteur en co-auteur et une conception de la poésie comme acte de création en partage, véhicule d’un dialogue intertextuel et interculturel infini.

Jacqueline Risset et la joi de traduire. À propos d'une double réception

Federica D'Ascenzo
2020-01-01

Abstract

Pour Jacqueline Risset, traductrice, intellectuelle d’avant-garde, critique littéraire, professeur de littérature française et ambassadrice de la culture française en Italie, la critique, la création, la traduction et l’autotraduction représentent les différentes manifestations de l’acte littéraire, insérées dans un réseau ou système au sein duquel chaque activité vit en fonction des trois autres. La traduction y est conçue comme une activité à mi-chemin entre création et théorie permettant, au même titre et peut-être même mieux que la critique, de démonter les mécanismes qui gouvernent la dynamique du texte source pour ensuite les recréer dans le texte cible et en faire jouir le lecteur. Considérant au départ la poésie comme intraduisible et refusant les solutions de l’analogie mélodique et la paraphrase préparatoire, Jacqueline Risset a élaboré au fil du temps une conception de la traduction poétique en tant que recodification, tentative de reconstruction de ce «lien musaïque» entre le son et le sens qui fonde tout texte poétique. La traduction se donne cependant moins comme un medium dans le processus de communication entre l’auteur et le lecteur, que comme un moyen pour interroger le mystère de la genèse du texte. Aussi les problèmes de réussite, d’échec, de fidélité ou de trahison sont-ils d’emblée dépassés dans une démarche qui considère aussi bien le texte source que le texte cible comme deux entités autonomes mais spéculaires, soumises à un processus d’écriture et, partant, de réécriture reposant sur une conception éminemment intertextuelle de la création littéraire. Le traducteur est ainsi investi d’une auctorialité qui met en jeu ses qualités de critique mais aussi d’écrivain ayant lui-même expérimenté la complexité de l’acte créatif. À partir de l’analyse de la réflexion théorique de Jacqueline Risset sur la traduction et de son expérience de traductrice et d’autotraductrice, sans toutefois négliger son activité critique et créative, l’article met au jour la singularité de l’ethos rissetien qui, suivant une démarche propre au XXe siècle, attribue la primauté au langage et donc au texte. Il montre également comment cette vision se dessine au-delà des théories traductologiques, apprécie le rôle que Jacqueline Risset entretient avec la pensée contemporaine et vérifie comment l’expérience de la création et de celle de la traduction finissent par s’influencer réciproquement ; il en dérive un portrait du traducteur en co-auteur et une conception de la poésie comme acte de création en partage, véhicule d’un dialogue intertextuel et interculturel infini.
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