Du fantastique défantastisé au monologue intérieur: les raisons d'un échec

Le recueil de contes Les Hantises, publié par Édouard Dujardin en 1886, participe de cette ‘défantastisation’ du fantastique qui investit la littérature française fin de siècle, sensible aux découvertes médicales accomplies dans le domaine neurologique et de l’étude des troubles mentaux qui caractérisent la dernière partie du XIXe siècle. Les contes présentent une panoplie de cas psychopathologiques au sein desquels Dujardin s’attache à illustrer la monomanie de chaque personnage comme un état potentiel de tout individu et à démontrer une certaine continuité entre le normal et le pathologique. Si les contes deviennent l’instrument d’exploration d’une psyché apparemment maladive, ils permettent à l’auteur de tenter divers procédés narratifs pour explorer le monde de la subjectivité et ouvrir la voie au roman nouveau devant concilier les différentes tendances littéraires de l’époque. La technique du monologue intérieur que Dujardin illustre dans Les Lauriers sont coupés dérive de cette tentative de normalisation de la pathologie psychique associée à la volonté de restitution subjective de la perception du réel. Mais l’abandon de cette même technique de la part de son inventeur révèle une mauvaise prise en compte, aussi bien thématique que narrative, de la banalité sur laquelle repose le roman.